Les procès de Sorcellerie

  Nous ne pouvons pas parler de l’histoire du château sans évoquer les procès de sorcellerie qui eurent lieu à Monceau-sur-Sambre.

Ces procès furent nombreux en Europe sur la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle.

En 1606, les Archiducs Albert et Isabelle gouvernent nos régions et promulguent une ordonnance sur la sorcellerie; ils ordonnent formellement d’appliquer sur-le-champ toutes les dispositions de la lettre du 20 juillet 1592 de Philippe II. Monceau n’échappe pas à cette ordonnance et les premières traces de ces procès remontent à 1592. Rappelons-nous qu’à ce moment la seigneurie est gouvernée par la perfide et téméraire Cornélia de Lalaing, veuve de Guillaume de Hamal. Elle avait pour bailli, Grégoire Stainer, fermier.

Au Moyen Âge, il suffit qu’une personne tombe malade, qu’une grange brûle ou qu’une vache meurt sans raison apparente pour que la communauté villageoise ne désigne un coupable, que son comportement ou que sa marginalité a rendu suspect.

Comme nous le verrons, les témoins de première main sont rares, ce sont les « on-dit » des « on-dit ». A cette époque, et bien souvent, les juges se contentaient de pareils témoignages qui, aujourd’hui, ne seraient plus pris en considération.

Quand une personne était reconnue comme sorcier ou sorcière, la Cour de Justice lui donnait 30 jours pour se laver des inculpations portées contre elle, mais nous verrons que certaines ne faisaient rien pour se disculper, soit par manque d’arguments, soit persuadées qu’on ne pouvait rien contre elles et que dans tous les cas elles échapperaient à la mort…

A Monceau, les sorcières les plus connues s’appelaient : Isabeau Lebarte, Marie la Loingne, Anne Matot, Catherine Dubois, Marguerite Girardeau et sa fille Magdelaine Gillet, Marie Rolland, Anne Collard, Françoise Levaux.

  Isabeau Lebarte, 60 ans, elle est accusée de pratiquer la sorcellerie ; ainsi on « ouy dire » qu’elle aurait donné un morceau de tarte à un certain Ylair et qu’il en serait mort ; d’ailleurs un témoin aurait porté son urine à un certain Mathy, sorcier de Jonchret qui aurait confirmé qu’il avait été empoisonné…Une enquête est menée par la Cour de Justice de Monceau, un procès-verbal est dressé et envoyé aux échevins de Liège, mais faute de preuves Ysabeau est acquittée vers 1593. Nous la retrouverons 10 ans plus tard, car elle sera de nouveau accusée et dénoncée par Marie La Loingne ; sous la torture Ysabeau avouera être une sorcière mais finalement elle se rétractera. Sa défense habile mettra la Haute Cour de Justice de Liège dans l’interrogation la plus totale. Celle-ci demandera exceptionnellement à la Cour de Monceau de rendre le verdict ; elle sera excommuniée de Monceau, du Pays de Liège et du Comté de Looz.

  Marie La Loingne, quant à elle, reconnaitra être une sorcière, même sur le bûcher et ne manquera pas de dénoncer non seulement Isabeau mais aussi Anne Matot qu’elle innocentera avant sa mort. Elle sera torturée à la discrétion de la Cour de Justice de Monceau et subira le supplice de la « vieille » qui s’appellera plus tard la Botte Finet en mémoire d’un voleur de bétail, Joseph Finet, bien connu à Monceau.  Anne Matot, bien qu’innocentée par Marie La Loingne, sera néanmoins arrêtée, elle a 75 ans et subira la torture appelée « eau chaude et froide » ; on étendait le supplicié sur un chevalet, le bourreau lui enfonçait un entonnoir et on l’obligeait à ingurgiter une dizaine de litres d’eau chaude, puis de froide. Devant les instruments, elle panique et elle avoue ce que l’on veut. Elle reconnaît être sorcière… et elle sera condamnée au bûcher.

Pendant un quart de siècle, il n’y eut plus de procès de sorcières à Monceau.

  Catherine Dubois, en 1626 une enquête est ouverte et elle est accusée d’avoir fait mourir des chevaux et une génisse appartenant à un certain Guillaume Laurent, un enfant serait tombé malade depuis que Catherine l’aurait vu et touché, elle se serait rendue nue au sabbat nocturne et bien d’autres accusations et témoignages pèsent contre Catherine qui est reconnue comme sorcière. Nous ne connaissons pas l’issue du procès, mais avec de si nombreuses accusations il est peu probable qu’elle ait pu échapper au bûcher.

  Marguerite Girardeau et sa fille Magdeleine Gillet, nous sommes en 1658, c’est le siècle de malheur, et sous le régime du prince de Gavre une enquête est ouverte à l’encontre de Marguerite et de sa fille Magdeleine.

On dit que mère et fille se traitent mutuellement de sorcières, elles sont accusées d’avoir jeté différents sorts dans la commune, le 7 janvier 1659, Magdelaine meurt et les charges allaient donc se reconcentrer sur la mère.

Le 21 janvier, la Cour de Monceau ordonne, suivant l’ordonnance des échevins de Liège, à Marguerite de se purger dans les trente jours de la réputation qu’elle avait d’être sorcière… Mais l’accusée répondit qu’elle ne voulait, ni pouvait se décharger des imputations qu’on lui faisait, attendu qu’elle était sorcière, disant se mettre dans les mains de la justice, priant avec une grande résolution et résignation. Elle confesse et persiste avoir mis le sort aux écuries du château pour faire mourir les chevaux. L’accusée avait fait ces aveux en présence du seigneur.

En présence de cette déclaration, le bailli fit arrêter l’accusée et la remit à la justice.

Le 8 mars 1659, par ordre de la Cour de Liège, Marguerite Girardeau est mise à la torture. Le bourreau est M. Charles Blavier venu de la ville de Mons. Sous la torture Marguerite Girardeau avoue être sorcière depuis plusieurs années, avoir donné un sort à son mari et l’a fait mourir après une longue agonie.  Il en est de même pour sa fille morte depuis 6 ou 7 ans. Elle leur a mis de la poudre dans la soupe, poudre reçue du diable. Elle confesse aussi d’avoir jeté de la poudre aux bêtes de M. Lambert Molle et que depuis qu’elle est en prison, le diable lui rend régulièrement visite et qui lui conseille de ne rien avouer aux juges.

La torture utilisée pour Marguerite est « La marque imprimée par Satan », le pacte avec le diable laissait soi-disant une marque particulière sur la peau de la sorcière que les juges étaient chargés de trouver. Cette marque était insensible à la douleur, ainsi le piqueur bandait les yeux de la sorcière puis il la piquait avec des aiguilles sur tout le corps. Dès qu’il trouvait un endroit insensible, il lui faisait avouer ses crimes par la torture et c’est ce qui se passa avec Marguerite.

Le 22 avril 1659, Marguerite est suppliciée et est conduite au Noir-dieu pour y être brulée.

Avant le supplice, elle avouera avoir participé au sabbat, avec Agnès Dufour, Marie Rolland, Jeanne Dufour, une certaine Isabeau de Roux et Anne Jecker. Pour ces deux dernières, il n’y a plus de trace des procès.

Marie Rolland et Jeanne Dufour, qui ont été dénoncées par Marguerite sont mises à la torture et le 10 mai 1659, on peut lire dans le procès-verbal :

                        « A la cour de Justice de Monceau,

Ayant par nous les Échevins de la Haute Cour de Justice de la cité et du pays de Liège, eu les actes d’entre le bailli de Monceau et Marie Rolland, prisonnière des actes commis nous apportez n mains et ouî commis sur l’arrivée des maléfices confessés par ladite Marie Rolland prisonnière, rechargeons ce dixième de mai mille neuf cents cinquante-neuf que condamnerez la dite Marie à) être conduite au lieu du supplice et elle y sera attachée avec une estache et étranglée tant que mort s’en suive puis son corps réduit en cendres, à l’exemple d’autres.

Voir qu’auparavant la réexaminer pertinemment sur les maléfices confessés et si elle n’a commis d’autres, comme aussi sur ses accusations et si à leurs assemblées, elle n’a reconnu d’autres et en cas qu’elle persiste dans ses accusations, condamnerez les accusées appréhensibles, que si elle vient à la mort sans accuser sa mère, ordonnerez à ladite mère de faire ses décharges… ».

Concernant la torture de la « vieille », il faut croire que cette torture pouvait être difficile à supporter, car dans le procès-verbal concernant Jeanne Dufour, on y lit :

                        « … Jehenne Dufour… vous la soumettrez à la torture légère et modérée à la vieille pendant trois heures en cas que le corps le puisse porter pour être examinée sur ses complices ainsi que les maléfices qu’elle aurait pu avoir commis… ».

  Anne Collard, elle est arrêtée sur dénonciation, des témoins viennent déposer en faveur de la prévenue, « c’est une bonne femme de vie », d’autres l’accusent de maltraiter ses enfants. Elle est emprisonnée mais le 8 février 1660, le sergent se rend dans la geôle d’Anne, la porte est ouverte et la cellule est vide…elle s’est échappée et on la retrouve non loin du château, dans un fossé, probablement morte de froid dans la misère.   Françoise Levaux, cette histoire commence comme bien des histoires de sorcellerie. Quelqu’un traite une femme de sorcière, et celle-ci veut se laver de l’accusation en s’adressant à la justice. Françoise habite au Hameau de Monceau et est accusée par « Maitre Claude », chirurgien à Marchienne-au-Pont. Elle est ainsi accusée d’avoir empoisonné une femme avec des poires et c’est le fameux chirurgien Claude qui vint la soigner ; elle aurait fait périr des vaches…. Elle adresse une pétition à la Haute Cour de Justice de Liège en expliquant qu’elle n’a pas confiance au bailli de Monceau. Finalement elle sera acquittée et pourra rentrer la tête haute à Monceau. Son procès sera un des derniers en Belgique.

Quand elles étaient condamnées à mort, elles étaient emmenées au lieu-dit le Noir Dieu situé près de la rue du Port. Les condamnées étaient amenées au supplice sur une voiture à 4 chevaux, souvent conduite par un valet du château. La population moncelloise était contrainte de ramasser le bois, de dresser le funeste bucher, de suivre le sinistre convoi jusqu’au lieu du sacrifice et était obligée d’assister à l’exemplaire cérémonie finale. Les sorcières étaient étranglées avec une estache, ensuite le feu était mis au bucher et les cendres étaient dispersées sur les lieux.

De 1592 à 1671, vingt-quatre personnes furent inquiétées pour des faits de sorcellerie : vingt-quatre sur une population de 400 habitants. Huit périrent sur le bûcher, très certainement d’autres, mais les documents manquent…

Après le supplice que devient la famille ? Il était mal vu d’être apparenté à une sorcière ou à un sorcier, les juges obligeaient parfois les enfants à assister au supplice de leur père et mère et ensuite la cour les punissait d’une peine de bannissement.

« Il ne faut pas épargner la vie d’un enfant pour garantir celle de plusieurs qu’il ravira par sa méchante vie, par sortilège, poison ou autrement. Car il n’y a point de doute, que ce qu’encore ignorants ils exécutent par la volonté d’autrui et comme par commandements, ils ne l’entreprennent et essaient après avec plus d’ardeur lorsque l’âge aura allumé leur colère et armé le désir de vengeance ».

Les procès-verbaux ont été longtemps conservés à Monceau-sur-Sambre et aujourd’hui ils se trouvent aux Archives de la ville de Charleroi et sont consultables sur demande.

A Monceau, le Pré aux sorcières et le Ry aux sorcières ne manquent pas de nous rappeler, et ce plusieurs siècles plus tard, cette période tragique de la traque aux sorcières…